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Billet d’humeur n°28 - 18 juin 2006

Rouerie, dites-vous ?

La Valse, de Camille Claudel, 
musée Marmottan Monet à Paris, 
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Rouerie, c'est ainsi que Jung qualifie les mille et une turpitudes auxquelles l'homme est confronté dans son rapport à l'Anima.

La confrontation est longue, en effet. Elle n'a rien d'un long chemin tranquille. Pour commencer, il est utile de dépasser le sentimentalisme et l'imagerie d'Épinal qui lui sont attachés et de savoir qu’on regroupe souvent sous le concept d'Anima un peu tout et n'importe quoi. L'Anima, c'est d'abord l'empreinte dans la psyché masculine - individuelle et collective - de la relation de l'homme à la femme, dans tous ses aspects : maternel, sexuel, érotique, sentimental, et autres ..., cette empreinte étant structurante et vécue comme un manque.

Parler de l'Anima est une chose, mais s'y frotter est une tout autre "paire de manches". Lorsqu'il est réellement activé, l'archétype de l'Anima se manifeste par un pouvoir de fascination peu commun, une capacité assez exceptionnelle à mobiliser l'énergie psychique en la détournant de ses circuits habituels.

Fascination, séduction, illusion, l'Anima déroute ! Cela n'est pas nécessairement un mal, tout dépend de ce que l'on en fait. Ce qui est sûr, c'est que l'Anima ne laisse pas indifférent. Elle déstabilise en profondeur. Elle sait être madone, putain, amante, ensorceleuse, elle sait être initiatrice et médiatrice, elle sait aussi être poseuse de bombes, terroriste !

Que faire face à son pouvoir de fascination, à ses séductions, à ses illusions, à ses sortilèges ? Comment se comporter dans l'inévitable confrontation avec l'Anima qui constitue un des grands moments de l'individuation masculine. Moment exaltant, certes. Mais aussi, parfois, moment douloureux à la limite du supportable. Tourbillon infernal de chaud et de froid, de sec et d'humide, d'éblouissement et d'obscurcissement total ! Véritable creuset dans lequel tout est remis en cause !

Quand la coupe est servie, il faut la boire. Quand l'Anima est activée, il faut s'expliquer avec elle. Il faut pour cela un Moi fort. Pas rigide, fort ! Un Moi capable de distanciation, mais un Moi qui entre aussi véritablement dans la relation. La confrontation ne saurait être un simple jeu intellectuel, elle doit être vécue dans sa chair, elle doit être affective, physique ! Dans tous ces moments de la confrontation, le Moi doit rester suffisamment fort pour ne pas se perdre. Il doit être suffisamment souple pour réaliser une conjonction des deux opposés : participation et distanciation, être-avec et être-en-dehors, dedans et dehors.


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Citation du mois

« Ce qui surtout importe, c’est la différenciation entre le conscient et les contenus de l’inconscient. Il faut en quelque sorte isoler ces derniers, et la façon la plus facile de le faire est de les personnifier, puis d’établir, en partant de la conscience, un contact avec ces personnages. Ce n’est qu’ainsi qu’on peut leur soustraire de leur puissance, qu’autrement ils exercent sur le conscient. Comme les contenus de l’inconscient possèdent un certain degré d’autonomie, cette technique n’offre pas de difficultés particulières. Mais se familiariser avec le fait général de l’autonomie des contenus inconscients est une tout autre « paire de manches ». Et c’est pourtant en ce point d’articulation que réside la possibilité même de commercer avec l’inconscient.

[…] Dès lors il ne fut plus sûr de lui et cela le rendit perméable aux insinuations de l’Anima ; car ce qu’elle dit est souvent d’une grande force de séduction et d’une rouerie sans bornes.

C.G. JUNG, Ma vie, p. 217, chez NRF, Gallimard


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