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38 - La grand mère maternelle pose une énigme.

Auqmn : Cinq nouveaux rêves

Bonjour à tous,

Voilà quelques jours que je ne me suis pas manifestée sur ce Forum, mais je me rattrape en livrant à votre perspicacité un aperçu de ma production onirique de cette nuit.

1. Je nage dans une rivière, en eau peu profonde, le long de rochers abrupts qui forment la rive droite. Mon frère me dit qu'il y a de petits requins (inoffensifs) à l'endroit où je nage et qu'ils vont m'effrayer (cela l'amuse). En effet j'aperçois un de ces petits requins en dessous de moi et pendant un instant je frémis. Mais le poisson est trop petit pour constituer une quelconque menace et je me rassure. Cependant je veux éviter de le toucher. Je l'observe plus attentivement. Il porte une sorte de mâchoire en acier aux dents triangulaires devant la gueule (attachée à sa tête). L'objet est disproportionné (bien trop grand) et le poisson ne peut pas l'actionner. Je trouve cela grotesque. Il me vient à l'esprit que c'est peut-être mon frère qui a mis ce 'dentier' au requin.

2. Un jeune homme me conduit en voiture au bord d'un lac. Nous devons faire de la plongée. J'ai apporté mon équipement. Le lac est un plan d'eau long et étroit dans une vallée encaissée. Il y a des véliplanchistes à sa surface mais personne ne se baigne. L'eau est sombre à cause des reflets des forêts qui la dominent. Je n'ai plus très envie de plonger dans ce lac, mais je m'y étais résolue et le jeune homme ne me laissera pas renoncer à mon projet initial. La route est très sinueuse, nous devons faire divers détours, mais nous finissons par arriver au lieu désiré. Il est tard dans l'après-midi. Cela me coûte de plonger. L'eau est froide.

Je n'ai aucun souvenir de la plongée.

Le rêve reprend alors que j'enlève ma combinaison. Je remarque que j'ai la marque d'une couture le long de la jambe droite.

3. C'est la nuit. Je suis dans ma chambre, au lit (pas ma chambre réelle - très grande chambre, décorée dans un style suranné, à la fois austère et pompeux). Je ne dors pas. J'entends une voix déclamer des vers de Racine (je ne me rappelle plus la pièce en question). Je me lève, ouvre la fenêtre pour mieux entendre. L'homme déclame très bien. J'enjambe la fenêtre et me laisse tomber sur le sol. La chute est un peu rude car j'atterris 4 étages plus bas. L'homme s'arrête net, stupéfait de me voir à ses côtés. Je lui dis que j'apprécie beaucoup et je lui demande de continuer. Il a l'air choqué, rentre chez lui et ferme la porte en me regardant avec désapprobation. Je réalise alors que je ne suis pas dans la rue mais sur son balcon (au premier étage). Je lui fais signe par la porte-fenêtre qu'il doit me laisser entrer afin que je puisse remonter chez moi par l'intérieur de l'immeuble, mais il secoue la tête. Je saute du balcon et me retrouve dans un jardin. Je me glisse par un soupirail pour accéder au sous-sol. Je me retrouve dans une autre maison, aux pièces très lumineuses. De nombreuses personnes sont présentes (lien de parenté entre elles et moi), l'ambiance est chaleureuse, animée, vivante. Certaines pièces sont un peu en désordre, il y a des jouets qui traînent et tout n'est pas parfaitement esthétique et harmonieux, mais je m'y sens à l'aise. Je rencontre plusieurs enfants (des garçons) que je connais très bien et avec qui je me mets à jouer. Le Rhône coule tout près de cette maison.

4. Je trouve dans un vaste magasin, richement aménagé, mais il n'y a aucune marchandise en vente, ce que chacun considère parfaitement normal (moi y compris). Je m'avance vers le fond de la pièce, d'un pas distrait (je n'ai aucun but en tête et rien de précis à faire). Un employé du magasin me demande si je veux visiter l'autre partie. Pourquoi pas ? J'acquiesce. Il me conduit à travers un imposant vestibule (épais tapis pourpre, balustrades de marbre blanc) vers une sortie qui donne sur la rue. Une vingtaine de personnes attendent en formant une file sur le tapis rouge sombre qui continue sur le trottoir. Un bus vient les chercher pour les mener sur le lieu de la visite.

Je n'ai pas envie d'attendre mais tout cela m'intrigue. Je me demande ce qu'il y a à visiter. La propriétaire du magasin (une jeune femme aux cheveux dorés) apparaît à mes côtés et nous marchons dans la rue en discutant. Elle me parle d'une exposition de peinture qu'il est fort dommage que j'aie manquée. Il y avait même des peintures de Brel et Brassens, insiste-t-elle. Notre entretien s'oriente sur la peinture et il s'avère que nous avons des goûts et des connaissances très différents en la matière. Elle s'intéresse surtout à l'art moderne. Je me rappelle lui avoir parlé de Chirico.

J'attire soudain son attention sur les deux montagnes autour de la ville. Les deux sommets sont enneigés, mais celui de droite est très net alors que celui de gauche commence à être masqué par le brouillard et est coiffé d'un nuage sombre.

5. Je marche dans la rue avec ma grand-mère qui s'appuie sur mon bras. C'est le soir, il fait sombre. Mes parents nous ont distancées. Soudain ma grand-mère se tait et se met à marcher de plus en plus vite. Je lui demande ce qui ne va pas. Elle ne me répond pas tout d'abord, puis je comprends qu'elle a un malaise ou quelque chose de pire. Elle s'arrête brusquement, saisit mon poignet et me dit 'Tu leur feras mes adieux'. Elle perd conscience, je la retiens alors qu'elle tombe et l'allonge doucement sur le sol. Je me sens complètement impuissante mais je reste calme. Un groupe de piétons passe non loin de nous. J'appelle à l'aide et leur demande de faire venir une ambulance.

J'apprends (une voix dans ma tête) que ma grand-mère a tenu un journal pendant des années et qu'il serait intéressant que je le lise. J'apprends aussi qu'elle était occupée à éclaircir un événement important de son passé, qui l'avait affectée ainsi qu'un couple de ses amis ou de sa famille.

Peu après un médecin est sur place. Il ne semble pas très inquiet en constatant que ma grand-mère a eu une crise cardiaque. J'aide à la porter dans l'ambulance. Je ne suis pas sûre qu'elle va s'en sortir. J'ai perdu une chaussure dans l'affaire. Ma mère me l'apporte mais j'ai perdu l'autre aussi.

Je sens les larmes chaudes couler sur mes joues. Je serre dans mes bras une femme âgée que je prends d'abord pour la mère de ma tante (mais dans le rêve je me rappelle qu'elle est morte et que ce ne peut être elle). Elle me dit après notre étreinte : 'Vous réagissez admirablement à la douleur, Mme T.' (nom de ma grand-mère). Sa remarque me semble incongrue et je lui réponds que je me contente de l'éprouver.

Voici comment j'interprète certains éléments de ces 5 rêves.

1. Je verrais dans le requin qui nage non loin de moi un complexe, mais je ne comprends pas pourquoi il a une mâchoire artificielle.

2. Plongée sous-marine dans un lac pas très engageant : exploration de l'inconscient. Est-ce mon animus qui me conduit sur place et insiste pour que je poursuive ce que j'ai entrepris ?

3. Quitter les hauteurs solitaires (aussi esthétiques et ordonnées soient-elles) de l'intellectualisation pour se rapprocher de la terre et de la vie (maison vivante et lumineuse avec les enfants). Mais pourquoi sont-ce les vers de Racine qui m'attirent vers le bas ??

4. Cela se complique. Je n'y comprends rien.

5. Ce qui m'étonne dans ce rêve, c'est que ma mère ne semble pas affectée par la mort de ma grand-mère (sa mère) et que ce n'est pas vers elle que je me tourne. J'ajoute que je n'arrive pas du tout à concevoir ma grand-mère dans le rôle de la vieille femme asiatique ou de mon vieux moi en train de mourir.

J'attends vos idées et vos commentaires :-))). A+. Auqmn

Pétunia : C'est le temps de bâtir....

1. [...] Initiation forcée

2. [...] Pas tout à fait consentie mais amorcée. Des cicatrices du passé...

3. [...] Le retour aux sources

4.[...] La recherche. La quête sur la voie de la conscience

5. [...] Je m'éteins pour renaître.

Auqmn : Re: c'est le temps de bâtir

Bonjour Petunia

J'ai lu attentivement ta suggestion d'interprétation. Elle me dérangeait, ce qui peut être bon signe.

Les termes 'forcée' et 'pas tout à fait consentie' que tu emploies pour qualifier mon 'initiation' m'agacent, car j'ai l'impression qu'il s'agit à la base d'une démarche entreprise de plein gré par mon moi conscient, et surtout parce que j'ai horreur d'agir sous la coercition.

Qui me force ? Mon inconscient ?

Après la plongée, tu vois dans la marque sur ma jambe l'allusion à des cicatrices du passé. Or cette marque est laissée par ma combinaison de plongée. Comme si c'était l'acte de plonger qui avait produit cette cicatrice (si cicatrice il faut voir dans cette légère empreinte).

Pour le 3ème rêve je ne suis pas d'accord sur un retour aux sources. J'ai l'impression au contraire que c'est un nouvel environnement que je découvre.

Je ne sais que penser du 4ème rêve. La recherche ? Pourquoi pas. Peut-être.

La quête sur la voie de la conscience ? Mmmh. Un sommet se distingue très nettement, l'autre est brumeux. Assurément si je dois aller sur une montagne, autant choisir celle où le temps est clair(la conscience). Mais je n'ai pas l'impression que mon rêve m'y invite.

N'est-ce pas la montagne de gauche qu'il me reste à découvrir, puisque je vois déjà très bien celle de droite ? N'est-ce pas dans l'ombre qu'il faut aller chercher la lumière ?

Dans la mort de ma grand-mère, tu vois ma propre mort, c'est-à-dire une évolution profonde.

>Je m'éteins pour renaître.

J'ai eu du mal à m'identifier avec le personnage de ma grand-mère, mais je crois que tu as raison.

Au début je rejetais cette idée car ma grand-mère est très éloignée des versions précédentes de mon vieux moi en train de mourir (vieille femme asiatique, empereur cupide, général). En particulier elle m'est bien plus sympathique que ces derniers (je l'aime). Ceci pourrait s'expliquer par le fait que même si je renonce à mes anciens comportements, j'y suis encore attachée. Cela signifie-t-il que je suis en train d'en faire mon deuil ?

Merci de m'avoir fait part de tes impressions.

Alain : Dédramatisation

Bonjour Auqmn,

Allons-y avec ton premier rêve: Les poissons représentent des forces vives de ton inconscient. Ton frère semble vouloir te jouer un tour et te faire peur avec ces forces. Or, le requin est bien inoffensif et ne constitue pas un danger réel. En lui mettant des mâchoires d'acier, il amplifie ta peur face à ces forces, mais tu vois que c'est ridicule. En fait, ce qu'a fait ton frère est pour t'aider à dédramatiser. Il te montre que ce que tu crains le plus n'est pas si terrible.

Le requin n'est pas un simple complexe personnel, il représente des forces en toi que tu commences à apprivoiser et que tu n'as plus à craindre.

(Le poisson n'a pas de cou, la tête et le corps ne font qu'un, il est uni; les deux ne faisant qu'un).

Ton frère t'aide à réaliser que tes peurs ne sont pas légitimes, tu rentres dans une sphère profonde qui t'est inconnue, mais il n'y a rien de bien dangereux.

Auqmn : Re: dédramatisation

Merci Alain pour ton interprétation.

Je pense que tu as vu juste.

Les petits requins sont des éléments inconscients dont la présence (perçue comme étrangère) m'effraie tout d'abord. Puis je réalise qu'ils ne constituent aucune menace sérieuse.

Mais il y a encore du travail à faire pour les assimiler, car il me répugne fortement de les toucher.

Cela viendra.

A chaque jour suffit sa peine :-)))

Alain : L'oubli de la plongée

Désolé de ne pouvoir te répondre d'un trait, tout de même, je te répondrai rêve par rêve.

Effectivement, tu ne touches pas encore au requin, mais tu t'en approches. Juste avec le cheval ça a été assez long. Peut-être chevaucheras-tu des dauphins bientôt, à suivre...

Allons-y avec ton deuxième rêve: Il me semble que celui-ci soit un résumé des plongées en profondeur que tu as faites depuis quelques semaines dans ton inconscient.

Tu as vu dans ton inconscient des passages étroits, des ombres, des endroits sinueux et incertains, des détours, des lieux froids, etc., mais tu t'en es sortie. Pendant que d'autres flottent à la surface, toi, tu as plongé à l'intérieur de toi-même, seule.

Le jeune homme est sans doute ton animus qui te pousse à faire confiance à l'inconscient et il est là pour te guider.

Toutefois, tu ne te rappelles pas le moment de la plongée. Tout le voyage que tu as fait en toi dernièrement ne semble être qu'un vague souvenir. Tu sais que tu l'as fait, mais tu ne t'en rappelle pas trop. Je dirais que c'est normal que le conscient ne s'en rappelle plus, mais la transformation est quand même là. As-tu lu Castaneda? Après avoir passé des années à suivre les enseignements d'un sorcier Yaqui, il ne se souvenait plus de rien. Plus tard il se souviendra... C'est que le changement en profondeur ne semble pas toucher le conscient, la transformation ça se passe à un autre niveau.

Est-ce que je te perds, donne-moi tes commentaires!

Auqmn : Si c'est normal...

Cela me tracassait quelque peu de n'avoir aucun souvenir de la plongée, mais me voici rassérénée.

L'idée que tu avances me paraît fondée. La transformation (alchimique) s'opère en profondeur, au-delà de l'horizon conscient. Le détail du processus échappe à ma connaissance, mais le résultat se fera sentir.

Pour répondre à ta question, non, je n'ai pas lu Castaneda.

>Est-ce que je te perds, donne-moi tes commentaires!

Non, pas du tout ! Tu es très clair.

Alain : Culture et nature

Allons-y avec le troisième rêve: De ton lit tu es attirée par le bas vers tes Racines. Ce qui t'attire se sont les vers de Racine qui sont bien déclamés. Cela me fait penser à Jung lorsqu'il travaillait sur ses rêves et sur ses phantasmes. Pour lui il était évident que ce qu'il faisait n'était pas de la science et une voix lui répétait toujours que c'était de l'art. Cette voix était celle de son anima. Jung s'y objecta et dit que ce n'était pas non plus de l'art, que c'était, au contraire, de la nature. La voix ne s'y opposa pas et le dialogue avec son anima put commencer.

Je pense que c'est un peu pour ça que l'homme t'interdit de rentrer chez lui, ce que tu recherches dans l'art correspond à quelque chose de plus profond en toi, tes véritables racines (nature).

Alors, tu descends encore et tu y trouves des gens qui sont proches de toi et que tu aimes. Il y a beaucoup de plaisir et des jouets d'enfant. Tu y es bien! Tu retrouves tes propres racines dans ce qu'elles ont de bien vivantes et tu t'y reconnais. Tu peux même en retirer beaucoup de plaisir et de joie. Ta véritable source coule tout près.

Quoi qu'on en dise, l'art demande une certaine culture (la tête), la nature en nous est beaucoup plus profonde. Et il semble que tu y as maintenant accès et que c'est même agréable.

Alain : Une tâche à poursuivre!!

Allons-y avec tes deux derniers rêves : Dans le magasin, on achète ce que l'on a besoin pour poursuivre notre évolution. Or, il

n'y a rien dans la première partie. C'est peut-être que ce dont tu as besoin maintenant pour continuer ton cheminement se situe à un autre niveau plus profond.

Un tapis rouge attend ceux qui veulent aller plus loin en eux, mais ce n'est pas encore ton tour et tu t'impatientes… Tu discutes tout de même avec une femme et vous en venez à parler d'art (on y revient). On passe des vers de Racine à deux chanteurs puis aux arts plastiques, toute une gamme de moyens d'expression pour désigner les aspirations les plus profondes de l'humanité. Tu parles de Chirico, un grand représentant du monde des rêves, qui dans ses toiles montre des objets dont le sens change étant donné le contexte… un peu comme les rêves. Cette discussion se fait donc autour de l'esthétique d'un vécu profond. Et soudain, tu vois plus loin. Tu lui montre les deux montagnes. Une est à droite, une image nette, masculine…… l'autre est à gauche, ombragée, féminine. Le masculin et le féminin sont face à face et surplombe la ville, la conscience. L'image est imposée. Tu disais à Pétunia que tu aurais peut-être à escalader la montagne ombragée, je n'avais pas pensé à cela, mais ce pourrait être intéressant d'explorer le féminin… C'est peut-être une réflexion esthétique sur tes profondeurs, mais il y a plus encore ; les montagnes…

Je ne sais pas trop ce que tu peux faire avec ce que je viens de te dire, ou si cela te dit quelque chose. J'ai l'impression de ne pas t'apporter grand chose ici. Mais enfin, allons-y avec le dernier rêve :

La grand-mère meurt, mais elle laisse derrière elle toute une œuvre inachevée. Je dirais que cette tâche te revient car on te nomme de son nom à elle.

Je ne sais trop en quoi son journal te concerne, est-ce l'histoire de sa vie ou la tienne que tu dois réviser ? Aussi, tu as à trouver l'événement du passé qui doit être éclairci !

Si tu ne vois rien dans tout cela, il serait peut-être intéressant de voir cela avec ta grand-mère. Ou encore, que crois-tu que ta grand-mère n'a pas réglé dans sa vie ? En quoi sa tâche te revient-elle ?

David : Un grain de sel et un grain de sable

J'aime bien ce qu'Alain écrit sur tes rêves, Auqmn.

Un grain de sel:

Ton hésitation à plonger résonne chez moi avec la décision de construire là où tu te trouves après le crash de l'avion et de ne pas continuer vers l'Ouest

Un grain de sable:

Une question (indiscrète) me brûle les doigts depuis que j'ai lu ces cinq nouveaux rêves: quelle est la relation de ta mère avec ta grand-mère (sa mère)?

Auqmn : Grand Maman

Hello Alain et David

Vous vous intéressez tous deux à ma grand-mère maternelle, mais cela ne m'aide pas beaucoup.

Je ne vois pas du tout quelle est l'œuvre inachevée qu'elle laisse derrière elle. Qu'y a-t-il à réviser dans sa vie ou la mienne ? Aucune idée. (La mienne n'est pas si longue et je l'ai bien examinée déjà).

Ma grand-mère est quelqu'un de très anxieux, qui vit énormément à travers ses enfants, qui se reproche de les avoir mal aimés et de les avoir fait souffrir parfois alors qu'elle croyait agir pour leur bien. (Je crois qu'elle se complaît un peu à l'occasion dans ce sentiment de culpabilité.) Elle est conformiste et craint le regard et le jugement d'autrui.

Je pense qu'elle et mon grand-père s'aimaient sincèrement et ont mené une vie tranquille plutôt heureuse (il est mort il y a plus de 15 ans) dans un petit village du Massif Central dont il était le menuisier. Elle aime beaucoup ses enfants (et ses petits-enfants). Mais elle n'est pas très juste envers eux : elle 'couve' son fils aîné et veut toujours le protéger, alors qu'elle a tendance à dénigrer sa plus jeune fille (ce qui me choquait beaucoup quand j'étais enfant, mais je crois qu'elle n'agit plus ainsi à présent). Elle se repose beaucoup sur ma mère (raisonnable, ordonnée, le devoir incarné) et craint un peu les facéties de son plus jeune fils.

Elle n'a jamais exercé de métier et j'ai du mal à me la représenter en dehors de sa famille, proche ou éloignée (tout un réseau).

Quant à la relation de ma mère avec elle... délicate, ta question, David ;-)))

Ma mère se dévoue admirablement à présent que ma grand-mère est en maison de retraite et requiert beaucoup de soins. C'est un lourd fardeau, mais elle ne se plaint pas (jamais - stiff upper lip, ma chère maman). Elle aime sa mère, c'est évident, mais parfois j'ai l'impression qu'elle garde en elle une sourde rancœur, profondément enfouie. A-t-elle des raisons de lui en vouloir ? Bien sûr. Ma grand-mère n'a pas été une 'mauvaise mère' mais tous les enfants ont des griefs contre leurs parents. Sont-ce des griefs majeurs ? Je ne crois pas.

Encore une remarque : du côté de ma mère, l'histoire familiale est relativement calme et l'ambiance harmonieuse. Mais du côté paternel, c'est violence, suicide, haine, brouille,... sur 2 générations (grands-parents et arrière grands-parents).

La maison de ma grand-mère maternelle apparaît régulièrement dans mes rêves depuis des années. C'est souvent un lieu plein de passages secrets dont je cherche l'entrée, qui aboutissent dans des endroits sombres et désertés (grange, écurie, cave, atelier).

J'ai à plusieurs reprises rêvé de cadavres ou de squelettes cachés dans une crypte sous la maison.

Ma grand-mère semble me transmettre quelque chose dans ce rêve. J'ignore ce que c'est et ce que son geste signifie. C'est peut-être cruel à dire, mais je ne vois pas ce qu'il y aurait d'intéressant pour moi à recueillir de sa vie.

Bref je suis perplexe.

Mais comme d'habitude, j'attends mes prochains rêves pour éclairer ma lanterne.

Christian : secret de famille ?

Je n'ai pas suffisamment de temps pour me livrer à une interprétation écrite, je ne retiendrai qu'un point qui me paraît une clé, c'est cette phrase : 'J'apprends (une voix dans ma tête) que ma grand-mère a tenu un journal pendant des années et qu'il serait intéressant que je le lise. J'apprends aussi qu'elle était occupée à éclaircir un événement important de son passé, qui l'avait affectée ainsi qu'un couple de ses amis ou de sa famille.' Tout se passe comme s'il y avait quelque part un 'secret de famille' dont tout le monde est confusément au courant et que tout le monde se cache. Cela faisait quelques temps que je tournais autour de cette idée sans bien la cerner, et ton intervention 'grand maman' m'a conduit à la préciser. Y a-t-il quelque part un 'secret de famille' complètement enfoui qui expliquerait les blocages que nous avons déjà notés au sujet de la maternité et de la féminité ? Où doit-on en chercher les racines : dans l'histoire familiale ? ou bien dans l'ordre symbolique de ta relation à la Grande Mère mythique, celle qui retient dans son sein, dans l'état fusionnel ? Je ne sais pas.

Auqmn

Cela m'étonne que tu mentionnes cela. Quand j'étais en France, j'ai vu une psychologue une fois par semaine et elle m'a posé la même question au bout d'un an (existence d'un secret de famille du côté maternel).

J'ai interrogé mes parents une de mes tantes, et ma grand-mère elle-même, sans aucun résultat. La psychologue pensait que ce pourrait être lié plus précisément au jeune frère de ma grand-mère, mort de la tuberculose (je crois) à une vingtaine d'années, mais je n'ai rien trouvé à son sujet.

Tout ce que je puis dire, c'est que j'ai déjà essayé d'explorer cette voie, mais sans succès.

Quelques mots sur mon rêve de cette nuit.

La première image est celle d'une ourse polaire qui avance dans l'eau qui coule d'une source en hauteur. Il s'agit d'une image de synthèse. Je trouve que l'eau est rendue de façon très réaliste. L'ourse se trouve dans une caverne. L'eau devient de la lave. Je me dis qu'elle doit être dans un volcan.

A présent un groupe de personnes se trouve dans le réseau de grottes sous le volcan. La lave se fraie de nouvelles issues et devient un danger. Les gens cherchent à se réfugier en hauteur et je songe que ce n'est pas une très bonne idée. Je suis à l'extérieur du volcan. j'ai une douzaine d'années. D'autres enfants sont avec moi. Nous devons quitter les lieux à cause du réveil du volcan (vague menace, pas de panique). Nous apercevons dans le ciel une structure circulaire volante qui a des pâles d'hélicoptère. Quelqu'un dit que c'est une nouvelle antenne pour la station de radio qui est au sommet de la montagne (le sommet est arrondi, c'est une vieille montagne ou plutôt une imposante colline, qui d'ailleurs ressemble au mont Orford où je suis allée faire du camping cet automne). Nous décidions d'aller chercher refuge là-haut. J'abandonne mon sac à dos mais j'emporte ma carte. Je sais que le chemin va être long jusqu'à la station de radio.

Je n'y comprends pas grand-chose.

L'eau qui devient de la lave... Le volcan qui se réveille... Éruption en perspective. Forces inconscientes sur le point de faire surface ?

L'antenne, la station de radio : ces éléments désignent la communication. Mais je ne vois pas au-delà.

Et puis l'ourse blanche du début qui patauge dans l'eau me rend très perplexe.

Pourquoi était-ce une image de synthèse ? Dois-je retenir le côté artificiel et illusoire par rapport à la réalité ?

Pourquoi mettre un ours polaire dans une caverne (et non un ours brun dont la présence eût été logique) ?

Christian : La scène primordiale

J'ai envie de revenir sur l'épisode de ton accès d'égoïsme misanthrope. Je veux dire pour commencer qu'il est essentiel, entre nous, que nous ayons cette franchise et cette transparence, et que nous puissions nous dire ce genre de choses de manière à pouvoir les analyser, sinon nous perdons notre temps. Allons-y donc pour l'analyse.

Qu'ai-je ressenti au premier degré ? Une sensation désagréable, très archaïque, toujours la même, celle de la scène primordiale : Nous vivons dans un état fusionnel avec la Grande Mère et puis un beau jour nous nous apercevons que nous ne sommes pas l'unique amour de celle-ci ; nous voilà chassé du paradis, condamné à un état de séparation. L'horreur absolue ! Tout au fond de mon agacement suscité par ton récit, il y avait donc cette réminiscence qui nous est commune à tous.

Puis je me suis dit : tu as repéré le mécanisme, c'est bon, laisse courir, tu n'en es plus là, tu es au-dessus de cela.

Et j'ai réfléchi à ton comportement dans nos échanges, et j'ai trouvé que tu prenais beaucoup et que tu n'apportais pas beaucoup en contrepartie. Précisément ce que tu reprochais à tes amoureux. Il m'apparaissait donc qu'on touchait là quelque chose d'important concernant ton fonctionnement : fermeture sur toi, difficulté à donner, à t'offrir. Uterpe n'est certainement pas loin là derrière.

Voilà comment il m'est apparu intéressant de reconnaître ma gêne initiale, de ne pas la nier en me plaçant au-dessus, d'en parler tranquillement avec toi pour en tirer un enseignement.

Le secret de famille maintenant. Oui, c'est curieux que je t'en parle à mon tour après ton psy. Tu as cherché dans la lignée maternelle, et le rêve te parle effectivement de ta grand mère maternelle, mais peut-être s'agit-il d'un détournement d'attention. As-tu cherché du côté paternel dont tu dis que les drames ont été nombreux ? Mais après tout, peut-être que je fabule et qu'il faut chercher ailleurs.

J'ai besoin de laisser mûrir ton rêve sur l'ourse blanche. L'eau qui devient lave me fait penser à l'eau ignée des alchimistes. J'en reste là pour ce soir.

Auqmn

> Et j'ai réfléchi à ton comportement dans nos échanges, et j'ai trouvé que tu prenais beaucoup et que tu n'apportais pas beaucoup en contrepartie

Je suis d'accord.

Effectivement tu m'aides beaucoup, alors que je me contente de prendre avidement ce que tu m'offres, mais il n'y a rien que moi je puisse t'apporter. Que pourrais-je te donner ?

Es-tu en train de me dire que je suis égoïste ?

Quant au terme "fermeture sur [moi]" tu penses réellement qu'il s'applique à notre échange ??

> Le secret de famille maintenant.(...) As-tu cherché du côté paternel dont tu dis que les drames ont été nombreux ?

Justement, je les connais bien ces drames. [...]

Je crois que rien ne m'a été caché de ce côté-là. Quand j'avais 8 ou 9 ans, nous avons rendu visite à toute la famille (arrière grand-mère, grands-oncles et tantes, lointains cousins, etc) car mon père cherchait des réponses sur le comportement du sien et voulait éclaircir le passé. J'écoutais attentivement et je suis donc bien au courant. Du reste dès mon plus jeune âge j'ai senti que ma mère et mon grand-père étaient à couteaux tirés et j'ai demandé l'explication. Mon père nous a donc fait un récit détaillé. Ce n'est pas un sujet que nous évitons. Et depuis 4 ans nous parlons très fréquemment du passé de mes grands-parents paternels et de leurs relations (depuis que nous avons découvert à quel point ils se haissent et combien mon grand-père a fait souffrir ma grand-mère et continue à la faire souffrir).

Secret de famille... Je me demande de quoi il pourrait s'agir.

Mes parents sont vraiment honnêtes avec mon frère et moi [...]. Je connais bien le passé de chacun d'entre eux.

[...] Je sais beaucoup de choses dans la famille qui sont soigneusement tues par les protagonistes de l'affaire [...]

Quel est ce lourd secret que j'ignore ?

Je doute qu'il existe....

Un de mes personnages imaginaires m'obsède presque (pas un des 4 héros classiques, un nouveau). Je veux être lui et en même temps je veux être celui des miens qui intéragit avec lui. Pourtant il est vraiment méchant. J'ai déjà imaginé une vingtaine de scènes de confrontation, mais elles ne me satisfont pas et je recommence. Un aspect de ce personnage (version initiale empruntée à un film) trouve un écho très profond en moi, mais je ne parviens pas encore à saisir de quoi il s'agit.

C'est à la fois excitant et frustrant. Je tourne autour de quelque chose d'essentiel qui m'échappe toujours au dernier moment.

Toutefois il m'est impossible de te dévoiler cette histoire.

Hier soir je regardais un show américain avec D (histoire de pratiquer mon anglais). Une scène de séduction manquée nous a fait réagir toutes les deux. Nos commentaires simultanés étaient opposés (Oh God, the son of a bitch / Great ! Good ridance!) . Elle s'était identifiée à la femme et moi à l'homme. J'ai réalisé que je m'identifie presque systématiquement aux personnages masculins dans les livres et les films. C'est symptomatique, à ton avis ?

Christian

T'ai je choquée en te parlant comme je t'ai parlé au début de mon dernier mail ? Si oui, il faut le dire et ne pas hésiter à analyser ce qui t'a choqué. Analyser pourquoi ton mail m'avait heurté m'a donné, en ce qui me concerne, un éclairage sur mon propre fonctionnement.

Je veux réagir à une de tes phrases : ' Es-tu en train de me dire que je suis égoïste ?' Je sens derrière ta question une référence à des considérations morales. Je veux dire que je ne me place pas sur ce plan moral. Je ne dis pas que tu es égoïste et que ce n'est pas bien d'être égoïste. Je constate seulement, sans vouloir porter de jugement de valeur, que tu t'intéresses beaucoup plus à tes propres productions qu'à celles des autres, à ce que tu prends dans la relation qu'à ce que tu y apportes. J'avais noté que tu avais mal supporté, dans les deux expériences amoureuses que tu m'as racontées, le fait que tes amis t'apportaient moins que tu ne leur apportais toi-même. Quand je parle de fermeture sur toi, le terme est peut-être mal choisi, je veux dire qu'il me semble que tu n'es pas très ouverte aux autres. Puis-je me risquer, sans vouloir te mettre mal à l'aise, à me demander s'il n'y aurait pas là - dans cette préférence à prendre plutôt qu'à donner - un lien avec ton refus de l'idée de maternité.

J'ai conscience de tout ce que mes remarques peuvent avoir de déplacé et je comprendrais que tu me demandes de m'en tenir là. D'autant que je n'exprime là, avec toute ma subjectivité, que des ressentis personnels qui me placent peut-être en décalage par rapport la réalité objective.

Je ne sais que te dire sur ce 'secret de famille' introuvable. Je trouve néanmoins curieux que je sois amené comme ton psy à ressentir en toi, que tout se passe comme si il y avait un tel secret caché, pas nécessairement spectaculaire, mais qui bloque le système. La même impression que celle que tu décris à propos du personnage imaginaire sur lequel tu travailles actuellement : 'Je tourne autour de quelque chose d'essentiel qui m'échappe toujours au dernier moment.'

Une question au sujet de tes personnages imaginaires, non pas sur leur contenu, mais sur la raison qui fait qu'il t'est impossible d'en parler. Est-ce pour des questions morales ? c'est-à-dire, par exemple, puisque tu le dis toi-même, parce que certains sont 'vraiment méchants'. Est-ce pour cette raison que tu ne veux pas qu'un autre ait un regard sur celui que tu 'veux être' ? Est-ce seulement la mise à nu qui te gêne ou bien le jugement moral porté par le regard de l'autre ? Ma question est difficile. Je comprendrais que tu n'y répondes pas.

Auqmn

Te voilà bien circonspect.

Rassure-toi, rien de ce que tu m'écris ne m'a déplu, et je vais répondre à toutes tes suggestions.

Ton précédent mail non plus ne m'avait pas choquée, mais tu mettais le doigt sur un aspect de notre échange (toi tu donnes, moi je prends) qui m'embarrasse quelque peu. Je te parle exclusivement de moi-même, et j'attends tes commentaires sur le même sujet. Je comprends que tu ne portais pas de jugement de valeur en mentionnant mon égoïsme et je crois finalement que ce n'est pas tant cela qui m'a fait réagir.

C'est la disymétrie de notre relation qui me pose problème. Je me sens déjà redevable envers toi (et je n'aime pas ça - envers personne) et voilà de plus que tu viens me demander quelque chose en échange de tes bons offices d'arbre secourable (ce n'est pas forcément ce que tu voulais dire, mais c'est ainsi que j'ai compris ton propos). Je n'ai rien contre le principe, mais je ne vois absolument pas comment t'apporter quoi que ce soit. Et l'idée de n'avoir rien à donner n'est pas agréable.

> Quand je parle de fermeture sur toi, [...] cette préférence à prendre plutôt qu'à donner - un lien avec ton refus de l'idée de maternité.

Vraisemblablement. Et dire que je ne suis pas très ouverte aux autres est un euphémisme. Mais une fois que je fais confiance à quelqu'un, je lui parle sans aucune difficulté de sujets très intimes (comme les expériences douloureuses de mon passé ou l'existence de mes mondes imaginaires).

> 'secret de famille' introuvable. [...] tout se passe comme si il y avait un tel secret caché, pas nécessairement spectaculaire, mais qui bloque le système.

Nous étions arrivées à la même conclusion, la psychologue et moi, sans pouvoir aller plus avant.

> Une question au sujet de tes personnages imaginaires, non pas sur leur contenu, mais sur la raison qui fait qu'il t'est impossible d'en parler. Est-ce pour des questions morales ? c'est-à-dire, par exemple, puisque tu le dis toi-même, parce que certains sont 'vraiment méchants'.

Non, pas du tout. On est tous 'méchants', je n'en ai pas honte, et être 'méchante' en imagination m'ôte l'envie de l'être en réalité.

> Est-ce seulement la mise à nu qui te gêne ou bien le jugement moral porté par le regard de l'autre ? Je me moque bien du jugement moral.

> Ma question est difficile. Je comprendrais que tu n'y répondes pas.

J'ai déjà évoqué le sujet avec mes parents, cela n'a rien d'embarrassant. J'ai du mal moi-même à savoir pourquoi je tiens tant au secret. Mais j'y tiens. Exemple : il y a 4 ans, en cherchant un livre dans la chambre de mon frère, je suis tombée sur un carnet dans lequel il écrivait des notes très personnelles. Il vivait des choses difficiles à l'époque et se fermait beaucoup, alors j'ai lu des passages, tout en sachant que ce n'était pas bien du tout. Soudain je lus 'Je voudrais être comme les personnages de ma soeur, que la douleur rend plus forts'. Je suis restée pétrifiée. Horreur absolue. Il avait lu mes histoires. Inutile de te dire que je n'ai plus jamais ouvert ce carnet. Cela a été un choc très violent de réaliser qu'il avait eu accès à cette partie de moi-même que j'ai toujours cachée au monde. Depuis j'ai tout brûlé et mes textes sont sur ordinateur, bien protégés. Je ne crains pas qu'on me juge a- ou immorale. Je crains bien plus le ridicule en raison de certaines intrigues (usées jusqu'à la corde), de l'emploi facile de clichés et de l'origine 'roturière' de nombreux personnages, lieux, contextes, péripéties, etc (lesquels ne sont pas tirés des tragédies de Corneille ou des guerres du Péloponnèse). Bref, je réagis en écrivain dont on jugerait le roman.

En plus il y a l'aspect mise à nu, évidemment : tu me connais bien, mais je suis sûre que le récit de ce que je vis à travers mes héros t'en apprendrait encore plus, et ce, très rapidement. Avec toi ce ne serait pas un problème. Ni avec M, K ou N. Mais le point précédent (le ridicule) retient mes confidences. C'est pourquoi j'ai pu raconter ma nouvelle histoire à M en prétextant que c'était un rêve. Mais je n'aurais jamais osé lui dire : voilà ce que j'aime vivre en m'imaginant dans la peau de Theo, voilà le cadre que j'ai inventé pour ressentir telle émotion, voilà ce que j'ai retenu de tel livre ou film et que j'ai apprêté à ma manière. Encore une chose qui me vient à l'esprit : je crains qu'on me juge 'maso'. Mes personnages vivent parfois des moments très difficiles. En fait ils sont rarement heureux au début d'une histoire. Et la paix intérieure ou l'affection d'une autre personnage ne peut être conquise après bien des épreuves.

Un dernier point sur les questions familiales.

La question posée par David m'avait obligée à réfléchir à la vie de ma grand-mère et j'étais contente d'avoir clarifié mes pensées et mes sentiments à son égard en les mettant par écrit. Ce n'était pas facile d'être objective.

Autant on discute ouvertement dans ma famille de mes grands-parents paternels, autant on évite de parler des problèmes que cause ma grand-mère maternelle. J'étais donc un peu incertaine quant à ma vision des choses. [...]

J'avais en effet oublié une caractéristique de ma grand-mère : elle dit souvent le contraire de ce qu'elle veut en espérant que les autres comprendront le sous-entendu. Personnellement, je n'y ai pas trop été exposée. Mais c'est assez fatigant pour ses enfants.

Avec ma grand-mère, le langage est trompeur. Il y a des choses qu'il ne faut pas dire (elle a longtemps cherché à cacher aux habitants de son village le divorce de sa fille, par exemple). Et des choses qu'on est censé comprendre à demi-mot.

Et des choses qu'il faut lui cacher (la phlébite de ma cousine, mes visites aux urgences après des chutes de cheval) parce qu'elle est terriblement anxieuse et que ses craintes tournent facilement à l'obsession. Évidemment nous faisons le tri et le décodage sans y penser, mais je pense que cette caractéristique des relations avec elle est importante (ne jamais se fier aux apparences, toujours creuser sous la surface, lire entre les lignes en espérant qu'on a le bon code de décryptage).

J'ignore si cela t'apporte quelques éléments de compréhension en rapport avec ce secret de famille.

Christian : Symétriser

J'apprécie qu'on puisse s'expliquer sur tout et que tu encaisses bien mes bousculades fraternelles. :-))) Oui, la dissymétrie pose quelques problèmes. Te sentir redevable n'est pas une situation saine pour toi. Quant à moi, je dois me demander pourquoi j'investis ainsi dans notre relation et ce que j'en retire.

En procédant à cette analyse, je trouve d'abord le plaisir de travailler au long cours avec toi sur des matériaux très riches que tu produis à profusion. Le sujet me passionne et je me trouve une grande familiarité avec tes productions, j'ai l'impression d'entrer facilement dedans et de les lire globalement d'une manière qui fait sens pour toi. Ton intérêt pour cette exploration, ta 'fraîcheur' (au bon sens du terme :-)) ), ta vivacité d'esprit, ta capacité à comprendre très rapidement ce que je raconte et à être en phase avec moi rendent nos échanges particulièrement agréables et stimulants. Le ton est joyeux, sympa et amical. Que souhaiter de mieux ? Je me dis aussi que vivre ce que tu vis à 24 ans est assez exceptionnel et laisse présager des suites tout aussi exceptionnelles. Je me sens dans la situation du maître qui a repéré une excellente élève et qui veut l'aider et la 'pousser'. Ce qui est naturel et légitime dans un cadre universitaire ne l'est pas nécessairement de la même manière dans le domaine qui nous occupe.

Je dois me garder notamment d'une inflation possible de ma part du fait de la dissymétrie de la relation ainsi que de la tentation d'exercer un pouvoir sur toi. C'est pour cela que je pense qu'il est souhaitable de tendre vers une symétrisation. Ceci dit, je n'ai pas d'idée préconçue sur la manière d'y parvenir.

Auqmn : Je me suis rêvée un de mes personnages

De quoi vais-je te parler ? J'ai tellement de choses à dire que je dois faire le tri.

Commençons par cette nuit, qui fut très féconde. Je t'avais écrit qu'un nouveau personnage imaginaire occupait mes pensées (depuis 3 semaines, mes aventures imaginaires ne mettent en scène que lui, dans diverses versions). Appelons-le R (j'en ai fait un avatar de mon personnage familier A). Cette nuit j'ai été lui dans deux rêves et j'ai adoré ça.

Dans le premier rêve, j'étais (en tant que R) un assassin et je traquais ma victime dans un hotel luxueux occupant tout un gratte-ciel (immeuble tout en verre et pierre rouge sombre lisse). Je n'avais aucun scrupule à vouloir tuer cette personne et je ne me souviens plus de la raison du meurtre projeté. Un employé de l'hôtel chargé de la distribution du courrier découvrit mon point d'observation et voulut me rejoindre, par curiosité. Il était plein de bonne volonté mais totalement inexpérimenté et naïf. Il manqua de basculer dans le vide (nous étions sur une corniche à mi-hauteur du gratte-ciel). Je le rattrapai in extremis et m'amusai de sa frayeur alors qu'il se balançait dans le vide. J'en profitai pour lui extorquer des informations. Quant à ma future victime, elle savait très bien que j'allais venir la tuer (je ne sais pas si c'était un homme ou une femme) mais restait très calme car elle comptait en profiter pour m'attraper. Moi je comptais la tuer sans me faire prendre, mais tout ça prenait finalement une allure de jeu.

Le deuxième rêve est très long. Au début je me réveille dans ma chambre. Je vois un pan de ciel bleu par la fenêtre. Je suis surprise de constater que les murs sont couverts de céramique bleu pâle jusqu'à mi-hauteur. Puis je réalise (j'ignore comment) que je suis en train de rêver. Je ne m'étonne plus de ce que je vois d'inhabituel. Je sais que je peux faire tout ce que je veux, puisque je rêve. Je m'amuse en particulier à étirer une femme très gentille et un peu maternelle, habillée en bleu (elle devient très grande, très longue, haute de plus de 3 m).

Il y a plusieurs chats dans ce rêve, deux adultes et un jeune chat blanc et roux, et ils savent quelque chose que les humains ignorent. Nous les observons très attentivement, mais sans les comprendre.

Le rêve devient un film qui se passe au XVIIIème. Une jeune femme très belle, portant des robes superbes bleu et or, enquête sur un événement surnaturel qui implique les 3 chats. Au bout de quelques jours elle 'fait son rapport' dans un palais. En sortant elle rencontre un homme près de son attelage. Elle le connaît, il était impliqué dans l'affaire et aime une femme qui vit dans le palais. Il est là pour la voir, mais la femme en bleu le dissuade de faire cette démarche. Moi (spectatrice du film) je trouve cela très dommage. L'homme est frustré mais il se rend à son avis. Il saisit un pistolet et de dépit tire un coup de feu en direction du palais.

Aussitôt des gardes et des passants s'empoignent. En fait il s'agit du début de la révolution française (sic) et je trouve que les scénaristes ont un sacré culot d'attribuer l'origine de la révolution au coup de feu de leur personnage.

Je suis à quelque distance du palais (dans le film qui n'en est plus un) et j'observe l'émeute. Je me dis que c'est sans doute une occasion exceptionnelle d'assister à la révolution française, mais je tiens à ne pas attraper de mauvais coup dans l'affaire.

Je quitte la ville à cheval avec un groupe de voyageurs. Nous sommes désormais en Angleterre, au XVIII ou au début du XIXème siècle. Un jeune homme nous dépasse au galop. Plus tard nous nous arrêtons car un duel a lieu sur la route. Quatre hommes se battent à l'épée, deux contre deux.

L'un est touché, peut-être est-il mort. Son compagnon commence par reculer, puis notre arrivée lui redonne courage et il triomphe de ses adversaires. Je suis très intéressée par ce qui se passe sous mes yeux, j'ai l'impression que c'est très important. Je m'approche. Les combattants ont disparu avec leurs chevaux. A la place il y a sur la route des hommes en rangs et en uniforme, les uns rouges, les autres jaunes. Brusquement ils tombent les uns après les autres et je vois derrière eux l'homme qui les a mis KO. D'abord je suis surprise car il est vraiment de petite stature. Puis je le reconnais (c'est R) et j'adopte son point de vue. J'ai des fers aux poignets mais la chaîne est brisée. Grâce à l'arrivée du groupe de voyageurs, j'ai pu me débarrasser des soldats ou gendarmes qui m'escortaient. Je suis un bandit de grand-chemin et un tueur, et j'avais été arrêté. Mes vêtements sont des haillons, mais ils étaient bleus avant d'être gris et bruns sous la poussière et la boue. Je suis libre et très content de moi. Je ramasse un objet métallique et j'essaie de l'ouvrir en vain. Je redeviens mon ancien personnage (voyageur) et je lui prends la 'boîte' des mains. Je l'ouvre et la lui tends. Dans la boîte il y a des couteaux. Il m'en donne un. Je redeviens R. Je soupèse un couteau, observe les lieux à la recherche d'une cible. Je veux montrer à ces voyageurs de quoi je suis capable. J'avise un pigeon, lance le couteau et l'abat en plein vol. Je recommence avec d'autres pigeons, fier de ma dextérité. Une vieille femme à cheval vient à notre rencontre à vive allure. Je parle de lui lancer un couteau dans la main (je suis parfaitement en mesure de le faire) mais n'exécute pas mon idée. Le jeune homme qui avait dépassé le groupe de voyageurs revient à présent. Je le menace ostensiblement. Il ne bronche pas. C'est normal car il sait que je ne suis pas sérieux, c'est mon partenaire et il vient pour me libérer (trop tard, je me suis débrouillé tout seul). Il descend de cheval et nous nous entretenons de nos futures équipées.

Je ne sais pas vraiment comment interpréter tout ça. La récurrence de la couleur bleue dans le second rêve m'intéresse. La révolution française, ce pourrait être ma révolution culturelle intérieure. Un coup de feu serait à l'origine ? Lié à un amour déçu ? Déçu à tort, car l'homme renonce sous l'influence de la femme en bleu et or, sans même avoir vu celle qu'il aime. Bleu = pensée, raison ? Mais que vient faire l'or là-dedans ?

En quelque sorte, je fuis la révolution car je quitte la ville (Paris, j'ai oublié de le signaler dans le récit) et me réfugie en Angleterre où la situation est plus calme. Ce n'était peut-être pas une bonne option.

Moi en tant que R : je suis le fauteur de trouble, le 'méchant', le hors-la-loi (mon ombre?). J'étais en prison, sous bonne garde, et je me libère grâce à l'arrivée de mon 'moi' normal. Cela a l'air positif. Mais le fait de tuer des pigeons pour prouver mon habileté au maniement du couteau me plaît beaucoup moins.

Cela fait plusieurs nuits que je rêve de chats comme dépositaires d'une sagesse et d'un savoir que je pressens mais qui ne me sont pas encore révélés. Peut-être en prenant patience finirai-je par les comprendre.

C'est une expérience très curieuse de devenir R en rêve. Au niveau des sensations, c'est exactement comme si je devenais lui en réalité.

Dans mes mondes imaginaires je suis toujours consciente de l'écart entre mon moi réel et le moi que j'incarne - ce qui ne m'empêche pas de m'amuser énormément. Mais cette fois, cette distance avait disparu.

J'étais R. Je n'avais plus aucune contrainte morale. J'avais plaisir à être moi (R), à agir à ma guise en me moquant bien des autres, bref comme on dit en anglais, I enjoyed myself a lot.

J'ai vraiment l'impression d'avoir touché un élément important de ma psyché avec ce personnage. Mon petit épisode agressif est directement lié à son influence. En me focalisant sur lui, j'ai activé quelque chose en moi. Je ne sais pas encore de quoi il s'agit, mais je finirai pas l'identifier.

Christian : Le secret des chats

Sans point d'accroche sur ta vie extérieure, il m'est difficile de démêler toutes ces péripéties. Je vais plutôt réagir à tes commentaires.

Je pense effectivement que la révolution française ainsi que toute l'agitation du rêve te renvoie à la révolution intérieure dont tu es l'objet en ce moment. Quel est l'élément déclencheur de cette révolution ? Un événement lié à un amour déçu, ce n'est pas impossible, tu es la mieux placée pour voir, mais ce n'est pas évident. Qui est cette 'jeune femme très belle, portant des robes superbes bleu et or, qui enquête sur un événement surnaturel qui implique les 3 chats' ? Ils m'intéressent ces chats. Et toi comment te vis-tu ? Es-tu belle ? Es-tu la jeune femme très belle ? ou bien es-tu plutôt la femme qui vit dans le palais et qui subit le conseil de la femme très belle à l'homme qui l'aimait ?

Le XVIII° siècle me renvoie à l'hexagramme 18 du Yi King, 'le travail sur ce qui est corrompu'. Qu'est-ce qui est corrompu ? Décidément ils m'intéressent ces chats qui savent ce que les humains (c'est-à-dire toi ) ignorent. Le sens le plus courant des chats c'est la féminité, l'éros dans sa forme animale, une émotion qui n'est pas très bien exprimée chez toi.

Il me semble que ce rêve te parle de ta féminité, de cette sagesse qui est enfouie dans les chats, alors que toi tu te cherches à travers les personnages du rêve :

- la jeune femme très belle, aux couleurs bleu et or, froide et chaude, masculine et féminine, esprit et amour

- la femme aimée abandonnée, cloîtrée dans son château

- R, qui me fait penser à Rambo, celui qui roule les mécaniques et flingue tout le monde

- toi et tes démonstrations d'adresse ou de force comme si tu avais des choses à te prouver

Alors qui vas-tu être ? Vas-tu continuer à jouer intérieurement à Rambo ou bien vas-tu finir par percer le secret des chats et accepter d'être femme ? Ne crois pas que je t'agresse en écrivant cela. Il me semble que c'est ce que te dit le rêve.

Auqmn

Samedi soir je suis allée à un 'party' (c'est le terme officiel au Québec). Il a fallu que je me force car après une journée au labo j'avais surtout envie de me vautrer tranquillement sur mon lit avec le roman d'Henry James que je venais d'emprunter à la bibliothèque. Et aucune envie de sortir par -15°C pour me retrouver dans une atmosphère bruyante (heureusement, pas enfumée). Mais j'ai fait un effort, je me suis dit que ça me ferait du bien de rencontrer de nouvelles personnes, et finalement j'ai passé un bon moment sans m'ennuyer un seul instant. Je m'améliore petit à petit.

Merci d'avoir réfléchi à mon rêve d'il y a quelques jours.

> Et toi comment te vis-tu ? Es-tu belle ? Es-tu la jeune femme très belle ? ou bien es-tu plutôt la femme qui vit dans le palais et qui subit le conseil de la femme très belle à l'homme qui l'aimait ?

Je ne sais pas si je suis une de ces deux femmes. Je ne me décrirais pas comme très belle. Jolie oui, belle peut-être ('Beauty is the eye of the beholder') mais pas 'très belle'. De ce point de vue, je ne m'identifie pas avec la femme en bleu et or. D'autant plus qu'elle est très féminine (coiffure et robe). Je suis certes très souvent habillée en bleu, mais presque jamais en robe.

Cependant je n'arrive pas à m'identifier avec l'autre femme, personnage très flou dont je ne connais pas les sentiments, dont je ne vois pas même le visage, et à qui il est fait allusion seulement à cause de la présence de l'homme. Je ne sais pas même si la femme en bleu et or lui a parlé et si elle a raison de dire à l'homme de quitter les lieux. En fait, quand je parle d'amour déçu, c'est plutôt à l'homme que je m'identifie. Comme si l'homme timide (de statut social inférieur) était Uterpe et la femme en bleu avec son assurance, son autorité, sa maîtrise de la situation, sa volonté d'enquêter, sa position élevée dans l'Ancien Régime, était Audre (la raison, la pensée). Il se trouve qu'il y a 2 ans j'ai été vaguement amoureuse mais ma raison trouvait que je prenais un risque et que j'ai cessé de voir le jeune homme en question en dépit d'une réponse favorable de sa part (c'est alors que j'ai inventé A, U Q et MN).

> - R, qui me fait penser à Rambo, celui qui roule les mécaniques et flingue tout le monde

C'est amusant que tu associes R à Rambo. R est effectivement susceptible de "flinguer tout le monde", y compris les bons et les innocents. Et comme c'est un gringalet, pour "rouler les mécaniques" comme tu dis, il a besoin des couteaux. Il est fondamentalement hors-la-loi, et ce, le plus naturellement du monde. Il n'y a aucune idée de revanche, de vengeance, aucune amertume, aucune déception, aucune vieille blessure purulente dans ses activités criminelles. Il n'a aucune entrave morale. Il n'est pas méchant, seulement cela lui est bien égal si quelqu'un doit mourir pour qu'il atteigne son objectif. Il lui arrive même d'agir par amour et de se dévouer totalement - jusqu'à se faire tuer - pour Elle (c'est le seul de mes 4 personnages à être amoureux).

> Alors qui vas-tu être ? Vas-tu continuer à jouer intérieurement à Rambo ou bien vas-tu finir par percer le secret des chats et accepter d'être femme ?

C'est bien plus amusant de jouer à être R et de transgresser tous les interdits. Aucune responsabilité, juste le plaisir d'agir à ma guise et d'être libre. Accepter d'être femme, c'est une perspective bien plus sérieuse et angoissante. Je crois que je vais attendre un peu. Me défouler encore quelques temps pour être plus sereine avant d'attaquer cette épreuve.

> Ne crois pas que je t'agresse en écrivant cela. Il me semble que c'est ce que te dit le rêve.

Je n'ai pas du tout senti d'agression.

Dans un tes messages sur le forum, tu parles de la Grande Mère et de la recherche de la fusion originelle. Comment cela se traduit-il ? Par quels comportements, quel type de désirs ? Je saisis l'idée, mais je n'arrive pas à identifier quelles formes prennent en moi cette attirance et cette volonté de revenir à l'état fusionnel.

Christian : Approches de la Grande mère

> Je ne sais pas si je suis une de ces deux femmes. Je ne me décrirais pas comme très belle. Jolie oui, belle peut-être ('Beauty is the eye of the beholder')

Je suis heureux que tu te vives comme étant jolie. Je voulais éliminer cette hypothèse que tu ne vas pas au-devant des autres parce que tu doutes de toi et de ton charme naturel.

Même si tu ne t'identifies pas à elle, la femme très belle est aussi un aspect de toi-même, certainement Audre comme tu le dis, elle a bien le profil, elle en a les couleurs, la culture, la classe, la prestance, l'autorité. Et l'homme timide et influençable pourrait très bien être Uterpe, je partage ta lecture et je prie pour que 'le diable lui souffle au cul' à celui-là, en priant par la même occasion que tu pardonnes mes grossièretés signifiantes. Si le diable ne s'en charge pas, c'est moi qui vais finir par lui pincer les fesses.

> C'est bien plus amusant de jouer à être R et de transgresser tous les interdits. Aucune responsabilité, juste le plaisir d'agir à ma guise et d'être libre. Accepter d'être femme, c'est une perspective bien plus sérieuse et angoissante. Je crois que je vais attendre un peu. Me défouler encore quelques temps pour être plus sereine avant d'attaquer cette épreuve.

Aïeaïeaïe ! Tu voulais que je te parle de la Grande mère. Voilà, c'est fait, tu es en plein dedans, c'est en elle que tu joues, c'est en elle que tu assouvis tes fantasmes de 'toute-puissance-infantile', là tu es maîtresse du monde, le monde est en toi, le monde est ta substance, tout est permis, tu n'as à répondre de rien, tu es totalement libre. Ce que tu décris est une modalité de la Grande mère, il y en a d'autres. Tu vois bien la différence du monde dans lequel tu mets en scène Rambo le gringalet hors-la-loi intrinsèque avec le monde-épreuve dans lequel tu retardes d'entrer car il est toujours angoissant d'assumer des responsabilités, d'être confrontée à l'adversité et de devoir en permanence prendre sur soi.

Autre modalité du monde de la Grande mère, voici un texte de Elie Humbert sur lequel je suis tombé cet après-midi en rangeant des notes. Il explique en quoi la recherche d'un sens peut être un piège :"on est attiré, fasciné, dominé par les représentations collectives dans la mesure où on est resté pris dans la mère. Le mouvement vers les images archétypiques est animé par un désir infantile : le désir de totalité. L'ouverture de sens qui s'opère par la reconnaissance de l'inconscient collectif est reçue dans un psychisme inconsciemment dominé par les nostalgies de la première enfance. L'accès à un sens collectif est vécu inconsciemment en chacun comme le retour enfin possible à la totalité de la relation primordiale avec la mère." La nature même du désir de totalité exprime ainsi le rapport à la mère. "Le désir de totalité aspire à ce que je sois tout pour l'autre, si l'autre est tout pour moi. Lacan fait remarquer que le désir du jeune enfant ne porte pas seulement sur sa mère comme sur un bien qu'il voudrait posséder, mais beaucoup plus spécifiquement sur le désir de sa mère pour lui. Il désire être désiré.…Pour être désiré, il faut pouvoir combler".

Puisqu'on parle du désir, continuons un peu, j'aimerais comprendre comment tu t'es construite et pourquoi ta féminité t'angoisse à ce point.

Je vais me livrer à un exercice très périlleux. J'avance en aveugle, je vais peut-être jouer à l'éléphant dans un magasin de porcelaines ou au chien dans un jeu de quilles, d'avance excuse mes maladresses.

Puis-je dire :

- que l'image de sacrifice et de soumission de ta mère n'est pas un modèle très exaltant ?

- que reproduire ce modèle est renoncer d'une certaine manière à la puissance phallique que tu as développée en toi et qui constitue un attribut de l'animus, de l'homme tel que tu te vis ?

- qu'accepter d'être femme et d'être mère c'est accepter cette castration symbolique ?

et là je me dis que si tu redoutes, si tu refuses, cette castration c'est :

- que tu n'as pas quitté ta mère comme premier objet d'amour pour aller vers ton père,

- que ce pénis, cette puissance phallique, que tu désirais pour toi, tu n'es pas allée la chercher dans le corps de l'autre, dans ton père,

- que si tu n'es pas allée la chercher dans ton père, c'est peut-être que ta mère ne te l'a pas permis, (je veux dire que tu n'as pas perçu que ton père était l'objet du désir de ta mère)

- qu'aujourd'hui tu te retrouves à devoir faire ce deuil que tu n'as pas fait et que c'est hyperdifficile et hyperangoissant.

J'ajouterai que mon impression est que ce qui pose problème, ce qui te pose problème, c'est que tu te débats dans un registre d'identification féminine. Tu refuses cette féminité transmise de femme à femme, il manque le passage par l'homme, par le père, par précisément celui qui provoque la coupure avec la mère pour permettre le contact avec les autres.

Peut-être qu'il faudrait que j'arrête un peu mes élucubrations pour voir si on peut valider quelques petites choses.

J'attends ton verdict en tremblant. :-)))

Auqmn

Avant toute chose, je tiens à te rassurer : j'ai très bien pris ton message. Rien dans tes propos ne m'a fait bondir ou frémir. A vrai dire je n'ai pas réagi avec mes tripes. J'ai reçu ton message sur un plan purement intellectuel, et donc très calmement.

> Aïeaïeaïe ! Tu voulais que je te parle de la Grande mère. Voilà, c'est fait, tu es en plein dedans, c'est en elle que tu joues, c'est en elle que tu assouvis tes fantasmes de 'toute-puissance-infantile' (...).

Merci pour la leçon (sans rire). Il va falloir que je me remue (mais quand même pas abandonner complètement R et ses compagnons de jeu ? ce renoncement me semble au-dessus de mes forces... ce serait une amputation).

Je comprends mieux à présent de quoi il retourne lorsque tu mentionnes la Grande mère. La citation d'Élie Humbert est très claire aussi. Je viens de réaliser quelles formes pernicieuses peut revêtir ce désir de totalité, ce désir de retrouver la sécurité, la stabilité, la sérénité (Geborgenheit) du giron maternel, et quel écueil il représente lors de l'individuation.

> Puis-je dire :

- que l'image de sacrifice et de soumission de ta mère n'est pas un modèle très exaltant ?

- que reproduire ce modèle est renoncer d'une certaine manière à la puissance phallique que tu as développée en toi et qui constitue un attribut de l'animus, de l'homme tel que tu te vis ?

- qu'accepter d'être femme et d'être mère c'est accepter cette castration symbolique ?

Oui. Très juste. (Une remarque au sujet du terme 'soumission' : certes ma mère se sacrifie, mais je n'ai jamais eu l'impression qu'elle se soumettait, sinon à une discipline purement intérieure).

> - que tu n'as pas quitté ta mère comme premier objet d'amour pour aller vers ton père,

- que ce pénis, cette puissance phallique, que tu désirais pour toi, tu n'es pas allée la chercher dans le corps de l'autre, dans ton père,

- que si tu n'es pas allée la chercher dans ton père, c'est peut-être que ta mère ne te l'a pas permis, (je veux dire que tu n'as pas perçu que ton père était l'objet du désir de ta mère)

- qu'aujourd'hui tu te retrouves à devoir faire ce deuil que tu n'as pas fait et que c'est hyperdifficile et hyperangoissant.

C'est très possible, mais je n'ai conscience de rien de tout cela. Je ne sais que penser du 3ème point que tu as soulevé. D'une part j'ai depuis toujours perçu plus clairement le désir de mon père pour ma mère que la réciproque. C'est toujours mon père qui fait le premier mouvement, que ce soit pour embrasser ma mère, la serrer dans ses bras, ou juste la toucher. Ma mère répond à ces gestes d'amour mais dans la plupart des cas c'est mon père qui a pris l'initiative. D'autre part je conçois aisément pourquoi ma mère aime mon père, mais je n'arrive pas à me représenter ce que mon père aime en ma mère.

Enfin, mais je ne sais pas si cela a à voir avec le sujet, mon père est très "câlin". Il recherche beaucoup le contact physique avec nous (ma mère, moi, mon frère) : nous serrer dans ses bras, nous prendre la main, nous masser le dos, nous caresser la nuque ou le visage. Alors que ma mère dispense peu de caresses. De façon générale, mon père est plus "aimant" que ma mère au sens où il montre son amour constamment, par ses gestes, son visage, ses mots (mon amour, enfants chéris, mon (ma) chéri(e)..." il s'adresse tout le temps à nous comme cela - ce qui il y a quelques années embarrassait énormément mon frère en public). C'est plus facile d'aimer mon père que ma mère. Mais c'est ma mère qui a le plus besoin d'amour.

Comment aurais-je pu faire pour aller chercher la puissance phallique en mon père ? A quel processus psychologique fais-tu allusion ?

Je ne suis pas sûre que ton hypothèse explique pourquoi je considère fondamentalement qu'être une femme c'est être faible. Il me semble qu'il y a autre chose à déterrer là-dessous. Merci d'avoir commencé à débroussailler le terrain.

Christian : Limitation

> A vrai dire je n'ai pas réagi avec mes tripes. J'ai reçu ton message sur un plan purement intellectuel, et donc très calmement.

C'est bien là qu'est le problème, là était toute la difficulté de ma tentative, nous sommes dans un pur jeu intellectuel. On touche là, me semble-t-il, les limites de nos échanges. D'abord, je ne suis pas psychanalyste et ensuite du fait de nos échanges, la théorie précède l'expérience, alors que la théorie ne devrait qu'accompagner l'expérience.

Dans l'état actuel des choses, je ne suis pas capable d'aller plus loin.

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Commentaire de Mythologico maniaque : Les archétypes (posté le 26/07/2004 à 18h05).

Je ne sais pas de quand date cet échange mais il m'apparaît évident que l'égoïsme mis en relief par Christian, la plongée, les poissons etc, mettent en relief l'archétype de la femme sirène.

Cette femme mi-humaine, mi-poisson, au fabuleux chant, qui attire les navires et les fait naufragés conduisant les hommes dans un sublime élan à leur mort. Elle prend et ne sait pas donner. Ces premiers rêves sont une marque très claire d'un besoin d'en finir, de s'accepter, de renoncer à ce chant qu'elle n'arrive même pas à chanter puisque le requin a une machoire métallique. Elle oscille entre la volonté d'être une "mangeuse d'hommes" et celle d'aimer vraiment et s'y fait mal superficiellement (marque de la combinaison) parce que finalement elle ne se laisse pas le droit d'être ce qu'elle est.

Je n'ai malheureusement pas de temps à consacrer aux autres rêves.

Commentaire de Ethica : sYKFORdfnmULO (posté le 15/12/2011 à 16h17).

If I were a Tengeae Mutant Ninja Turtle, now I'd say "Kowabunga, dude!"

Commentaire de Janese : fcaHXykUJJ (posté le 20/05/2016 à 17h01).

That's an inventive answer to an inetntseirg question

Commentaire de Maryellen : adFLrwqIsvQApCQMVP (posté le 21/05/2016 à 03h41).

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Commentaire de Elly : NrmafSAJuyoLFuCkxJD (posté le 21/05/2016 à 19h16).

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Commentaire de Jaylyn : rNyuEvBxfCEy (posté le 22/05/2016 à 05h10).

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Commentaire de Leaidan : ZDywNzgOfQbyU (posté le 24/05/2016 à 06h00).

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